[Info FR] Déclaration de la Convergence Globale des luttes pour la terre et l’eau

La Vía Campesina via-info-fr at viacampesina.org
Mar 7 Avr 15:54:11 CEST 2015


 

Déclaration de la Convergence Globale des luttes pour la terre et l'eau
[1] 
Créé le samedi 4 avril 2015 13:50 

DROITS À L'EAU ET À LA TERRE, UNE LUTTE COMMUNE

_Dakar à Tunis : Déclaration de la Convergence Globale des luttes pour
la terre et l'eau (Tunis, le 28 mars 2015)_ 

Nous, mouvements sociaux et de bases et organisations de la société
civile, engagés dans la défense des droits à la terre et à l'eau, nous
nous sommes réunis à Dakar en octobre 2014 dans le cadre du Forum Social
Africain pour lutter et protester contre les accaparements de toutes les
ressources naturelles, l'eau et la terre, nos biens communs, et contre
les violations systématiques des droits humains qui les accompagnent. Le
partage de nos idées nous a amenés à reconnaître la solidarité
essentielle de nos combats, étant donné la nature inextricable des liens
entre l'accaparement des terres, de l'eau et des autres ressources
naturelles. Nous nous sommes réuni-e-s de nouveau lors du Forum Social
Mondial à Tunis en mars 2015 pour continuer ce dialogue avec des
mouvements et organisations du monde entier afin d'élargir cette
convergence. 

Aujourd'hui, plus de 200 millions d'hectares de terres sont accaparées
dans le monde entier par des entreprises, gouvernements, élites,
spéculateurs, souvent soutenus par la Banque mondiale, le Fond Monétaire
International (FMI), le G8 et d'autres institutions et consortiums.
Cette mainmise par une minorité sur nos biens communs engendre
concentration, expulsion puis asservissement des populations. Cela se
fait au nom de la protection de l'environnement, sous prétexte d'arrêter
le changement climatique, la production d'énergie « propre », des
méga-projets d'infrastructures et/ou au nom du soi-disant développement,
souvent promus par des partenariats public-privé tels que la Nouvelle
Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique. Des
territoires entiers sont ainsi vidés de leurs communautés, tandis que la
perte d'identité et la destruction des écosystèmes rendent la vie
impossible. Les communautés, dont les droits et la dignité ont été
bafoués, se retrouvent avec des familles déstructurées ou transformées
en communautés de réfugiés, forcées à migrer, sans droits, appauvries,
affamées. Il est estimé que 3000 personnes meurent chaque jour par
manque d'eau. L'accès et la gestion des espaces de vie communautaire
sont détruits par des groupes militaires et armés qui perpétuent la
guerre et l'occupation, des forces de l'ordre des États criminels,
soutenus par des élites économiques, financières et politiques. Cela
mine les systèmes d'alimentation locaux et un grand nombre de
producteurs locaux qui nourrissent en réalité la vaste majorité de la
population mondiale. Quand les gens résistent, ils sont criminalisés,
emprisonnés et assassinés. 

Ainsi, les profits faramineux d'une élite sont bâtis sur la violation
systématique des droits humains de la majorité de paysan-nes,
habitant-es de quartiers populaires ou informels, pêcheurs, communautés
d'éleveurs et nomades, les peuples et communautés indigènes,
travailleur/euses ruraux et urbains et consommateurs et consommatrices,
particulièrement les jeunes et les femmes, qui sont expropriés de leurs
terres et moyens de subsistance par la violence, l'intimidation et les
tortures. L'accaparement des terres s'accompagne toujours de
l'accaparement de l'eau par différents moyens : les cultures
non-durables consommatrices d'eau, la privatisation des services de
distribution et gestion des eaux (qui volent cette ressource vitale de
ceux qui ne peuvent pas la payer), la contamination des nappes par des
exploitations minières incontrôlées, la modification de cours fluviaux
et du flux d'eau par la construction de barrages et l'expulsion des
communautés qui en résulte, la militarisation des points d'accès à l'eau
et des territoires, l'expulsion des éleveurs et des pêcheurs de leur
milieu de vie, par exemple à travers des pratiques comme l'extraction de
sable sur les côtes. 

La criminalisation des militant-e-s qui se battent pour la protection
des biens communs est aujourd'hui un phénomène courant, quoique caché
par les autorités. Car la terre et l'eau sont des ressources de plus en
plus rares, et par conséquent cruciales pour la sécurité des sociétés et
la souveraineté des États aujourd'hui et demain! Or, cette organisation
de la rareté qui est à la base des crises hydrique, foncière et
alimentaire n'est pas une donnée naturelle, elle est construite par des
enjeux politiques, géostratégiques et financiers. 

En réponse à ces menaces à nos vies et notre bien-être, nous résistons
et luttons. Nous faisons valoir nos droits et présentons des vraies
solutions. Nous croyons que le contrôle et l'accès des peuples à la
terre et l'eau sont essentiels pour la paix, pour arrêter le changement
climatique et pour garantir les droits humains fondamentaux et une vie
digne pour toutes et tous. La distribution juste et équitable de la
terre et de l'eau, et l'égalité des genres sont essentielles pour notre
vision de la souveraineté alimentaire, basée sur l'agroécologie (comme
décrit dans la Déclaration du Forum International sur l'Agroécologie de
Nyéléni de février 2015), des systèmes d'alimentation locaux, la
biodiversité, le contrôle de nos semences et le respect des cycles de
l'eau. Cette vision s'applique aux populations rurales, urbaines et
péri-urbaines et comprend des relations entre producteurs et
consommateurs basées sur la solidarité mutuelle et la coopération. 

NOTRE SOLIDARITÉ SE BASE SUR LES CONVICTIONS ET LES PRINCIPES SUIVANTS,
QUI UNISSENT NOS COMBATS : 

 	* les droits humains à l'eau, à l'alimentation et à la terre sont
fondamentaux et essentiels pour la vie. Toutes et tous, hommes et
femmes, adultes et enfants, riches ou pauvres, ruraux ou urbains doivent
pouvoir en jouir.
 	* L'eau et la terre sont non seulement des ressources naturelles
vitales, mais aussi une partie de notre héritage commun, dont la
sécurisation et la gouvernance doivent être préservées par chaque
communauté pour le bien commun de nos sociétés et de l'environnement,
aujourd'hui et pour les générations à venir.
 	* L'eau, la terre et les semences sont des biens communs, et pas des
marchandises.
 	* Le mandat légal et constitutionnel que nous reconnaissons à l'État
est celui de représenter l'intérêt des peuples. Raison pour laquelle
l'État a le devoir de s'opposer à toute politique ou traité
international qui menacent les droits humains et leur propre
souveraineté, y compris les mécanismes de règlement des différends entre
les entreprises et les Etats, tels que ceux inclus dans le Partenariat
transatlantique de commerce et d'investissement et la majorité des
traités d'investissement.
 	* Les politiques de gestion de la terre et de l'eau doivent favoriser
la réalisation de l'équité sociale, l'égalité de genre, la santé
publique et la justice environnementale.
 	* Le refus ferme de toute forme d'occupation et domination étrangères.

C'est pourquoi, ensemble, en tant que sociétés civiles venant des quatre
coins du monde, 

NOUS NOUS ENGAGEONS À: 

 	* sensibiliser, former et organiser les communautés en milieux urbains
et ruraux pour construire un mouvement fort et solidaire pour lutter
pour la reconnaissance et faire respecter nos droits humains à
l'alimentation, à l'eau et à la terre, et aux territoires ;
 	* défendre dans toutes les instances le droit des citoyen-ne-s et des
communautés au consentement préalable, libre et éclairé et la
participation pleine et entière dans la gouvernance des ressources
naturelles ;
 	* mettre en synergie les groupes de tous les secteurs engagés et en
lutte contre l'accaparement de l'eau et de la terre pour former des
plateformes nationales et régionales pour renforcer une convergence
internationale des luttes de la terre et de l'eau ;
 	* récupérer nos terres, eaux et semences ; récupérer les espaces
politiques légitimes pour lesquels nous nous sommes battu-e-s en tant
que détenteur/trices de droits, tels que le Comité de la sécurité
alimentaire et la nutrition mondiale ; et de résister à l'accaparement
de notre langage qui vise à soutenir des fausses solutions, telles que
l'agriculture intelligente pour le climat (climate smart agriculture) ;
 	* la solidarité avec et le soutien des défenseurs des droits humains
et ceux et celles qui s'opposent à l'accaparement des terres et de
l'eau, particulièrement lorsque ceux/celles-ci sont criminalisé-e-s ;
 	* nous opposer à toutes les politiques nationales et les traités
internationaux qui favorisent la privatisation et la marchandisation des
ressources naturelles et l'accaparement des terres et de l'eau, dont les
cartes pré-payées pour l'accès à l'eau, l'ajustement automatique du
tarif, et les Accords de Partenariat Économique (APE) entre UE et pays
ACP, aussi bien concernant les biens que les services ;
 	* dénoncer les classements du climat des affaires (doing business) de
la Banque mondiale et les systèmes de compensation pour la biodiversité
(biodiversity offsettings), qui ne s'appuient que sur le registre de la
spéculation, au détriment des critères de droits humains, sociaux et
environnementaux, et favorisent l'accaparement des terres et de l'eau.

 NOUS REVENDIQUONS AUPRÈS DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES, ÉTATS ET
AUTORITÉS LOCALES : 

 	* de reconnaître l'indivisibilité des droits humains et leurs
obligations pour leur réalisation, particulièrement pour les groupes
vulnérables et marginalisés, les femmes et les jeunes. Ils doivent
appliquer de manière systématique l'approche des droits humains,
s'abstenir de violations, et prévenir et poursuivre les abus des droits
humains ;
 	* de mettre en place des politiques adéquates de réforme agraire, de
réforme foncière, de restitution réelle et de redistribution équitable
et de gestion durable de la terre, de l'eau et d'autres ressources
naturelles ;
 	* d'adopter des politiques, y compris des politiques de développement
et de coopération, qui visent l'autonomisation et la responsabilisation
des communautés au lieu d'être basées sur des intérêts économiques et
géopolitiques ;
 	* de respecter, protéger et réaliser le droit humain à l'eau et à
l'assainissement qui a été reconnu et explicité par la résolution de
l'Assemblée Générale des Nations Unies 69/2010, en adoptant les mesures
constitutionnelles et législatives garantissant à toutes et tous la
disponibilité et l'accessibilité à l'eau et aux services
d'assainissement, ainsi que la justiciabilité concrète du droit humain à
l'eau ;
 	* de reconnaître, respecter et protéger les droits collectifs
coutumiers sur l'accès, la sécurisation et la gouvernance du foncier, de
l'eau et des ressources naturelles, nos biens communs, en garantissant
les droits des femmes ;
 	* de respecter leurs obligations de ne pas reconnaître des situations
illégales, y compris particulièrement des actes prohibés commis par des
forces d'occupation, et de ne pas coopérer ou interagir avec des parties
prenantes impliquées dans des situations illégales ou qui en tirent
profit ;
 	* d'assurer le consentement libre, préalable et éclairé des
populations et la participation pleine et entière en ce qui concerne
toute décision relative à la gestion de la terre, de l'eau ou d'autres
ressources naturelles. De ne pas seulement entendre mais prendre en
compte nos revendications et notre droit de dire Non à l'accaparement
des terres et de l'eau ;
 	* de mettre en œuvre la Convention 169 de l'Organisation
Internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux et
la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples indigènes ;
 	* d'approuver explicitement la promotion des droits humains, dont les
droits humains à l'eau, à l'alimentation et à la terre, dans le cadre
des Objectifs de Développement Durable de l'Agenda ONU post-2015;
 	* d'appliquer immédiatement les Directives du CSA/FAO pour la
gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux
pêches et aux forêts et des Directives de la FAO visant à assurer la
durabilité de la pêche artisanale, en assurant notre participation en
tant que détenteurs de droits ;et de promulguer des lois nationales qui
garantissent pleinement la justiciabilité des dispositions de protection
des droits des personnes ;
 	* de soutenir et adopter la Déclaration des Nations Unies des Droits
des Paysan-ne-s et des autres personnes travaillant en milieu rural qui
est développée en ce moment au Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU ;
 	* d'adopter et mettre en place un Traité contraignant pour prévenir et
punir les crimes des sociétés multinationales et d'autres entreprises ;
 	* d'adopter les mesures et les outils de droit international
pertinents, dans le cadre du Pacte International des Droits Économiques,
Sociaux et Culturels (PIDESC) des Nations Unies, afin de renforcer
concrètement le droit humain à l'eau et à l'assainissement, de clarifier
et spécifier les obligations des États, et d'empêcher toute forme
d'accaparement de l'eau.

Nous appelons les sociétés civiles, les mouvements sociaux et de base,
les ONGs et les syndicats du monde entier à s'investir dans cette
discussion et à renforcer cette déclaration et à soutenir ces
revendications avec tous les moyens à disposition. Ce n'est qu'en
solidarisant nos luttes, à partir de la protection de nos droits aux
ressources essentielles pour la vie, que nous pourrons faire entendre la
voix de la société civile dans les négociations vers l'adoption des
Objectif du Développement Durable post-2015, l'application des
directives internationales et régionales sur le foncier et les
ressources naturelles, et la COP 2015 pour arrêter le changement
climatique. 

En poursuivant la construction de cette Convergence, nous reconnaissons
et apprécions notre diversité et les initiatives qui sont et seront
proposées, et sur lesquelles nous continuerons à débattre et discuter.
En vue de cela, nous nous engageons à diffuser largement cette
déclaration. Nous la partagerons avec nos communautés dans nos
territoires, afin de continuer à les impliquer dans le processus de
construction de cette Convergence. 

_Eau et terre, mêmes dégâts même combat !_ 

Tunis, le 28 mars 2015. 

Télécharger la declaration (pdf) ici [2] 
 

Links:
------
[1]
http://viacampesina.org/fr/index.php/les-grands-ths-mainmenu-27/rrme-agraire-mainmenu-36/1065-declaration-de-la-convergence-globale-des-luttes-pour-la-terre-et-l-eau
[2]
http://viacampesina.org/fr/images/stories/pdf/2015-04-Dakar%20to%20Tunis%20Declaration_FR_finalfinal.pdf
-------------- section suivante --------------
Une pièce jointe HTML a été nettoyée...
URL: <http://mail.viacampesina.org/pipermail/via-info-fr/attachments/20150407/5841ca9e/attachment.html>


Plus d'informations sur la liste de diffusion Via-info-fr