[Info FR] La Via Campesina au Symposium sur les biotechnologies à la FAO

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Mar 16 Fév 15:08:07 CET 2016


 

La Via Campesina au Symposium sur les biotechnologies à la FAO [1] 
Créé le mardi 16 février 2016 19:53 

PRESENTATION DE GUY KASTLER, LE 16 FÉVRIER 2016 

LA FAO DOIT SOUTENIR LES SÉLECTIONS PAYSANNES ET CONDAMNER LA
CONFISCATION DE LA BIODIVERSITÉ CULTIVÉE PAR LES GÈNES BREVETÉS

Il est normal que la FAO fasse appel, pour parler des biotechnologies, à
ceux qui les mettent en œuvre dans la recherche et l'industrie. Il est
par contre tout à fait anormal qu'elle fasse appel presque exclusivement
à ces mêmes acteurs lorsqu'il s'agit de débattre des politiques
publiques et alimentaires, alors qu'un très grand nombre d'organisations
paysannes et de la société civile opposées au développement non contrôlé
de ces technologies ne sont pas conviées à s'exprimer, ou de manière
très marginale par l'invitation qui m'a été faite. Ces organisations ont
diffusé une déclaration publique que je vous invite à prendre en
considération. 

Les plantes transgéniques n'ont pas tenu leurs promesses. La plupart
d'entre elles ont été modifiées pour tolérer des herbicides. Elles ont
entraîné une apparition rapide d'adventices résistantes, une
augmentation exponentielle de l'utilisation d'herbicides de plus en plus
toxiques accompagnée de dommages sanitaires et environnementaux dont les
premières victimes sont les paysans, les ruraux et leurs familles.
L'autre grande famille de plantes transgéniques produit des substances
insecticides qui génèrent elles aussi l'apparition de résistances chez
les insectes et un échec agronomique déjà programmé. Les premières
victimes sont là encore les paysans qui ont perdu leurs récoltes,
souvent malgré un usage supplémentaire d'insecticides chimiques
toxiques.Les technologies génétiques utilisées pour produire ces plantes
ont généré de nombreux effets non intentionnels, non prévus et que
l'industrie cherche désespérément à cacher. 

Les plus visibles ont été des pertes de récolte ou de qualité des
produits. La filière cotonnière du Burkina Faso a ainsi perdu la place
qu'elle avait rudement conquise sur le marché grâce à la qualité de ses
fibres, qualité brutalement disparue suite au recours aux OGM : à quoi
bon augmenter les rendements si la récolte est invendable ? La encore,
les petits paysans sont les premières victimes tandis que les firmes
industrielles responsables de telles catastrophes se contentent de dire
qu'elles ne sont pas capables d'expliquer ce qui s'est passé.

Les semences transgéniques resteront toujours sans intérêt pour la
sécurité alimentaire. Leur coût, et celui des intrants indispensables à
leur culture, les réserve aux seuls marchés solvables des cultures
industrielles destinées d'abord à l'alimentation animale des pays
riches, aux carburants et à l'économie émergente de la biomasse qui
vient confisquer les terres agricoles pour des usages non alimentaires.
L'industrie ne s'intéresse pas aux cultures vivrières qui fournissent
les trois quart de l'alimentation disponible sur la planète. Les petits
paysans qui produisent cette nourriture ne disposent pas d'argent pour
acheter ses OGM et les intrants indispensables à leur culture. Les OGM
ne visent qu'à prendre leurs terres pour les remplacer par des
monocultures industrielles d'exportation.

Chaque fois qu'elles sont autorisées, les plantes transgéniques
remplacent par quelques variétés brevetées l'immense biodiversité
cultivée issue de plusieurs siècles de sélections paysannes. Les gènes
brevetés se déplacent en effet d'un champ à l'autre avec le vent, les
insectes, les outils agricoles... qui transportent le pollen et les
graines. Ils contaminent les semences paysannes qui deviennent alors des
contrefaçons des brevets de l'industrie. C'est ainsi qu'en moins de 20
ans, 89% du maïs et 94% du soja plantés aux États-Unis sont devenus des
OGM brevetés. Cette violation des droits des agriculteurs qui leur
interdit d'utiliser les semences issues de leur récolte les empêche
aussi d'adapter leurs cultures aux changements climatiques. Ces
changements ne sont en effet pas linéaires. Au moment des semis,
personne ne connaît le temps qu'il fera. Il ne sert à rien de disposer
d'un gène de résistance à la sécheresse les années de tornade ou
d'inondations exceptionnelles, et inversement. La résilience des
cultures face à l'aggravation de la violence des chocs climatiques
dépend avant tout de leur diversité génétique et de leur adaptation
locale et non de tel ou tel nouveau gène breveté dans un laboratoire.
Seules les sélections paysannes au champ à partir des semences issues
des récoltes locales favorisent cette adaptation. Aucune solution ne
peut exister sans elles. Les brevets qui accompagnent tous les OGM sont
une fausse solution parce qu'ils interdisent les sélections paysannes.

Face au refus des OGM par de nombreux consommateurs, l'industrie a
inventé de nouvelles techniques de modification génétique et voudrait
qu'elles échappent aux réglementations OGM. Ces techniques de génie
génétique consistent à modifier les gènes de cellules de plantes
cultivées in vitro. Elles produisent sans contestation possible des
Organismes vivants modifiées au sens du protocole de Carthagène. Mais
sous prétexte que certaines d'entre elles ne laissent pas dans la plante
commercialisée de trace visible du matériel génétique introduit dans les
cellules des plantes afin de modifier leur génome, l'industrie voudrait
ne pas qualifier ces plantes d'OGM afin d'échapper aux règles
internationales du protocole de Carthagène et aux obligations
d'étiquetage, d'évaluation et de suivi imposées par de nombreuses
réglementations nationales. Elle tente pour cela de modifier la
définition des OGM pour la réduire à l'insertion d'ADN recombinant
retrouvé dans le produit final. Il n'est pas admissible que la FAO
reprenne et cautionne dans ses propres publications cette violation
flagrante de la seule définition internationale reconnue des OGM donné
par le protocole de Carthagène.

Cette nouvelle manœuvre de l'industrie est d'autant plus perverse
qu'elle lui permet de breveter des gènes sans les différencier de gènes
existant naturellement dans les semences paysannes et dans les semences
conservées dans les banques de gènes. C'est l'ensemble de la
biodiversité cultivée disponible qui passe ainsi sous le contrôle d'une
poignée de multinationales détentrices des plus gros portefeuilles de
brevets. Les paysans et les petits sélectionneurs ne peuvent plus savoir
si les semences qu'ils utilisent contiennent ou non des gènes brevetés
afin de s'en protéger. Cette insécurité juridique accélère d'un côté
l'extrême concentration de l'industrie semencière qui permet à trois
firmes multinationales de contrôler aujourd'hui plus de la moitié du
commerce mondial des semences et de l'autre côté la disparition de
l'immense diversité des semences paysannes conservée et renouvelée année
après année par les paysans, dans leurs champs. En rendant librement
accessible l'information sur les séquences génétiques de la totalité des
ressources phytogénétiques du Système multilatéral du TIRPA, le
programme Divseeck viole les obligations de consentement préalable et de
partage des avantages pour alimenter cette nouvelle biopiraterie. La
complicité du TIRPAA qui collabore avec ce programme est une trahison
inadmissible de la confiance de millions de paysans qui lui ont confié
leurs semences.

La Via Campesina et les organisations de la société civile qui la
soutiennent attendent de la FAO qu'elle mette un terme immédiat à cette
nouvelle biopiraterie et à tout soutien aux technologies de modification
génétique dont la seule finalité est de permettre à une poignée de
multinationales de breveter et de s'approprier la totalité de la
biodiversité cultivée existante. La FAO doit au contraire appuyer les
organisations paysannes et les chercheurs qui s'impliquent dans les
programmes de sélections paysannes collaboratives au service de la
souveraineté alimentaire et de l'agroécologie paysanne. 
 

Links:
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[1]
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