[Info FR] Déclaration de La Via Campesina sur le commerce, les marchés et le développement à la CNUCED 2016, Nairobi, Kenya.

La Vía Campesina via-info-fr at viacampesina.org
Mar 19 Juil 15:33:58 CEST 2016


 

Déclaration de La Via Campesina sur le commerce, les marchés et le
développement [1]

« La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une
alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l'aide de
méthodes durables et respectueuses de l'environnement, ainsi que leur
droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. La
souveraineté alimentaire met au cœur des systèmes de production et des
politiques les aspirations et les besoins de ceux qui produisent,
distribuent et consomment les aliments en lieu et place des exigences
des marchés et des transnationales. » - _Déclaration de Nyéléni sur la
souveraineté alimentaire (Mali, 2007)_ 

(Nairobi, le 19 juillet 2016) La quatorzième session de la Conférence
des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) aura lieu
à Nairobi, Kenya, du 17 au 22 juillet 2016. À cette occasion, nous,
membres de La Vía Campesina, nous réitérons notre engagement en faveur
de la souveraineté alimentaire et du droit à l'alimentation ainsi que
notre détermination à mettre fin aux soi-disant projets du
néolibéralisme basés sur le « paradigme du libre-échange » et le
« développement dicté par le marché », des projets qui ne servent qu'à
consolider le contrôle des grandes sociétés sur nos systèmes
alimentaires. En tant qu'organe des Nations unies, nous nous attendons à
ce que la CNUCED et ses États membres priorisent les processus
démocratiques et participatifs visant à obtenir des politiques qui font
la promotion de la souveraineté alimentaire. La CNUCED ne doit pas être
utilisée pour promouvoir des accords de libre-échange (ALE), y compris
les Accords de partenariat économique (APE) de l'Union européenne en
Afrique, qui, les uns à la suite des autres, produisent plus de faim, de
pauvreté et d'exclusion pour les peuples partout sur la terre. 

La Vía Campesina est un mouvement international qui regroupe des
millions de paysans, de petits et moyens agriculteurs, de sans terre, de
femmes paysannes, de peuples autochtones, de migrants et de travailleurs
et travailleuses agricoles des quatre coins de la planète. Nous
défendons les systèmes alimentaires agroécologiques paysans en tant que
moyen pour promouvoir la justice sociale et la dignité. Nous nous
opposons fortement au type d'agriculture qu'encouragent les grandes
sociétés privées et les sociétés transnationales qui détruisent nos
systèmes alimentaires, nos collectivités et l'environnement. La Vía
Campesina compte 164 organisations locales et nationales de 73 pays
d'Afrique, d'Asie, d'Europe et des Amériques. En tout, nous représentons
environ 200 millions de paysans et paysannes. Notre mouvement autonome,
pluraliste et multiculturel n'a aucun type d'affiliation politique,
économique ou autre. 

À PROPOS DE LA CNUCED 

Nous, La Vía Campesina, nous avons chaleureusement accueilli en 2015 la
publication du rapport de la CNUCED Smallholder Farmers and Sustainable
Commodity Development, qui reconnaît notre rôle vital dans la production
d'aliments et les marchés ainsi que le besoin des gouvernements et des
institutions multilatérales de travailler directement avec nous pour
atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations
unies. Cependant, nous nous opposons fermement aux nombreuses
recommandations du rapport, dont la plupart appuient la marchandisation
de notre production agricole. Nous rejetons catégoriquement l'hypothèse
sous-jacente du rapport selon laquelle nous ne pourrons être une source
d'aliments et de nutrition viable à long terme pour nos populations que
si nous devenons des « entreprises commerciales » prospères axées sur la
recherche du profit. Nous dénonçons également les tentatives en cours de
marchandiser l'alimentation et la nutrition, et nous rappelons à tous
les participants réunis à la CNUCED 14 que l'alimentation est un droit
humain. 

Les actions de la CNUCED que nous observons suivent un paradigme
commercial néolibéral dicté par le libre marché qui va totalement à
l'encontre du paradigme de la souveraineté alimentaire, un paradigme où
les petits paysans sont des acteurs sociaux, culturels et historiques
qui prennent des décisions basées sur une diversité de facteurs
personnels, éthiques et culturels, non pas exclusivement basées sur le
profit, les affaires et le marché. Au lieu d'appuyer les projets de
promotion du commerce avancés par les multinationales, nous voulons que
la CNUCED nous protège contre les Accords de libre échanges destructeurs
et secrets promus par l'antidémocratique Organisation mondiale du
commerce (OMC), comme le PTCI (Partenariat transatlantique de commerce
et d'investissement), le PTP (Partenariat transpacifique), l'AECG
(Accord économique et commercial global), le TiSA (Accord sur le
commerce des services) et les APE et leurs soi-disant mécanismes de
règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS). Nous, les
paysans et paysannes de la planète, nous nourrissons aujourd'hui la
majorité de la population mondiale et nous le faisons malgré les
nombreux ALE qui visent à déplacer la production et le commerce paysans
partout sur la planète. 

PRODUCTION PAYSANNE ET MARCHÉS LOCAUX 

Sur la planète, plus de 80 % des petits paysans évoluent dans les
marchés alimentaires locaux et nationaux et la plupart d'entre eux
commercent informellement. C'est dans ces marchés hautement diversifiés
que transitent la plus grande partie des aliments consommés dans le
monde. Ces marchés fonctionnent à l'intérieur d'espaces territoriaux qui
vont du local au transfrontalier au régional et ils se trouvent dans des
milieux ruraux, périurbains et urbains. 

Ces marchés sont directement liés aux systèmes alimentaires locaux,
nationaux et/ou régionaux : leurs aliments sont produits, transformés,
échangés et consommés dans un espace donné où la valeur ajoutée y est
retenue et partagée, tout en contribuant à la création d'emplois. Ils
peuvent fonctionner selon des arrangements structurés ou informels qui
offrent une plus grande flexibilité aux petits producteurs ; ils
imposent moins de barrières à l'entrée et permettent plus de contrôle
sur les prix et les conditions du marché. Ces marchés remplissent de
multiples fonctions au-delà de l'échange de marchandises et sont des
espaces d'interaction sociale et d'échange de connaissances. Ce sont les
marchés les plus importants, notamment pour les femmes paysannes, eu
égard à l'inclusion et à l'accès, et ils contribuent grandement à la
réalisation de notre droit à l'alimentation et à la nutrition. 

Les systèmes de récolte de données ignorent souvent les marchés
informels malgré leur grande importance. Ainsi, ces marchés ne sont même
pas pris en compte dans les processus de définition des politiques
publiques. Puisque la plupart des femmes paysannes vendent leurs
produits sur les marchés informels, leur contribution essentielle aux
systèmes alimentaires, y compris la distribution d'aliments, et à la
croissance économique est largement ignorée au moment d'établir les
politiques relatives au commerce et au développement. Et ces femmes sont
confrontées à des barrières socio-économiques spécifiques dans l'accès
aux ressources et aux opportunités de commercialisation, ce qui les
marginalise et viole leurs droits encore plus. Étant donné l'importance
de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance des petits
paysans, les politiques et les investissements publics devraient être
orientés pour renforcer, accroître et protéger les marchés locaux et
nationaux approvisionnés par les paysans. 

Nous appelons la CNUCED et ses États membres à appuyer la collecte de
données complètes sur les marchés locaux, nationaux et informels -- tant
ruraux qu'urbains -- liés aux territoires pour améliorer les corpus de
données utilisées comme base dans la définition des politiques, y
compris des données ventilées par sexe, et à les intégrer en tant
qu'élément régulier des systèmes de collecte de données nationaux et
internationaux. 

Nous recommandons des politiques tarifaires transparentes et équitables
pour tous les produits agricoles qui fournissent une rémunération
complète du travail et des investissements des petits paysans, y compris
les femmes rurales. Les politiques tarifaires doivent donner aux petits
paysans un accès opportun et abordable aux informations du marché de
manière à leur permettre de prendre des décisions éclairées quant au
moment et au lieu de la vente des produits, afin de les protéger contre
les abus des acheteurs, notamment dans les marchés concentrés. 

Nous demandons que des programmes d'achat publics et institutionnels
soient mis en place pour permettre aux petits paysans de compter sur une
demande régulière et stable en produits agricoles à des prix équitables
et aux consommateurs d'avoir accès à des aliments sains, nutritifs,
diversifiés, frais et produits localement, y compris durant les crises
et les conflits. Nous voulons que ces programmes d'achat soient utilisés
par les institutions publiques comme les écoles, les hôpitaux, les
prisons, les maisons de retraites et les administrations. Les cantines
de ces institutions pourraient alors être approvisionnées par des
aliments produits par les petits paysans; Des mécanismes participatifs
doivent être définis pour que les producteurs prennent part au schéma
d'approvisionnement. Etant donné les déséquilibres dans les fonds de
soutien nationaux des pays développés, nous réitérons notre appel à ce
qu'une solution durable soit trouvée au problème du stockage public.
Nous redisons notre engagement à construire des programmes d'achat
publics et institutionnels robustes. 

Pour y parvenir, nous rappelons aux gouvernements nationaux qu'ils
doivent garantir un accès juste et équitable à la terre, à l'eau, aux
territoires et à la biodiversité et nous les invitons à se référer aux
Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes
fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le
contexte de la sécurité alimentaire nationale. 

L'alimentation est un droit humain et elle ne doit pas être traitée
comme une simple marchandise. Nous appelons la Conférence de la CNUCED
de 2016 à repenser son approche de la question de l'alimentation et son
lien avec le commerce et le développement. Les paysans sont au cœur de
la production alimentaire. Nous avons besoin de toute urgence de la
souveraineté alimentaire et ceci nécessite la protection et la
renationalisation des marchés alimentaires nationaux, la promotion de
circuits locaux de production et de consommation, la lutte pour la
terre, la défense des territoires des peuples autochtones et des
réformes agraires en profondeur. Il est nécessaire de s'éloigner des
fausses promesses que portent les systèmes de production promus par la
révolution verte. Ces systèmes dépendent de volumes importants
d'intrants et de capitaux et fonctionnent sur la base de la hypothèse
biaisée de la concurrence. La concurrence ne connaît du succès en effet
que lorsqu'elle détruit les moyens de subsistance des paysans partout
sur la planète. 

Nous rappelons aux gouvernements qu'ils ont des obligations en ce qui
concerne la prestation de services publics de qualité, indispensables
pour assurer une vie digne à la campagne (santé, éducation, etc.). Ces
obligations ne peuvent être remplies sans des prix justes qui protègent
les paysans locaux contre les sociétés transnationales avides de profits
et contre un système d'échange international qui aujourd'hui ne sert que
les intérêts de l'agrobusiness et des autres élites privées. En tant
qu'organe des Nations unies, la CNUCED devrait s'efforcer d'être
cohérente avec ses autres efforts continus, y compris notamment la
réalisation effective de la Déclaration universelle des droits de
l'homme. Avec nos alliés à Nairobi et partout sur la planète, nous
invitons tout le monde à se joindre à nous dans la lutte pour la
souveraineté alimentaire, et pour la fin du « libre échange » que les
grandes sociétés privées promeuvent à travers des institutions non
démocratiques comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC). 

LA NOURRITURE EST UN DROIT, PAS UNE MARCHANDISE ! 

SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE MAINTENANT ! 

GLOBALISONS LA LUTTE ! 

GLOBALISONS L'ESPOIR ! 

  

Links:
------
[1]
https://viacampesina.org/fr/index.php/les-grands-ths-mainmenu-27/souverainetlimentaire-et-commerce-mainmenu-38/1328-declaration-de-la-via-campesina-sur-le-commerce-les-marches-et-le-developpement-a-la-cnuced-2016
-------------- section suivante --------------
Une pièce jointe HTML a été nettoyée...
URL: <http://mail.viacampesina.org/pipermail/via-info-fr/attachments/20160719/78f63e82/attachment.html>
-------------- section suivante --------------
Une pièce jointe autre que texte a été nettoyée...
Nom: Part 2.2.png
Type: image/png
Taille: 82841 octets
Desc: non disponible
URL: <http://mail.viacampesina.org/pipermail/via-info-fr/attachments/20160719/78f63e82/attachment.png>


Plus d'informations sur la liste de diffusion Via-info-fr